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Zarguizmo's avatar
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        J'ai longtemps rêvé que la terre s'arrêtait autour de moi. Que tout devenait plat, calme. Et qu'en même temps, je devenais capable de parler au monde entier. Je rêvais de pouvoir parler aux oiseaux pour leur demander ce que ça faisait de voler. Parler aux pierres pour leur demander si elle ne s'ennuyaient pas trop à rester plantées là. Parler aux arbres pour leur demander si sentir le vent souffler à travers leurs branches était une sensation comparable à sentir le vent dans mes cheveux.

        Alors j'ai parlé aux oiseaux et ils m'ont dit que voler était un sacrifice, une épreuve de chaque instant. Qu'il fallait resté concentré pour que chaque battement d'aile soit assez rapproché du suivant. Ils m'ont dit que l'on ne sait pas appréhender les courants d'air chaud du premier coup et que c'est pour cela que tant d'oisillons mourraient avant la première migration. Ils m'ont dit que les codes de la route sont amplement plus simples à apprendre et à mettre en pratique.

        Ils m'ont dit qu'il voulaient mon existence terrienne et que ne pas voler, juste pouvoir marcher, courir, fumer, embrasser avec la langue, faire l'amour sans avoir à assumer tous les œufs qui en sortiraient, tout cela faisait partie d'une existence qu'ils m'enviaient.

        J'ai parlé aux pierres et elle m'ont ri au nez de ma bêtise. Elles m'ont dit qu'il n'y avait rien de plus beau que de rester au même endroit et contempler la vie. Elles m'ont dit que nos vies ne sont que des gouttes dans l'océan de leur existence. Elle m'ont fait part de leur mécontentement quand des enfants s'amusent à les déplacer, quand des chantier les déplacent. Elles m'ont fait part de leur honte d'avoir été utilisées comme armes à l'aube des temps et de leur volonté qu'on les laisse tranquilles. Elles m'ont dit que les briser ne servait à rien et que cela les faisait devenir plus nombreuses, plus sages. Le nombre et l'immobilité sont leur force.

Et quand elles ont voulu me raconter l'histoire du monde selon leur point de vue, je me suis tourné vers les arbres.

           Les arbres ne m'ont rien dit. Sans un mot, ils m'ont guidé au milieu d'eux et m'ont invité à communier avec eux. J'ai fermé les yeux, levé les bras et j'ai senti le vent me souffler dans les branches. J'ai senti les chenilles et les fourmis me parcourir l'écorce. J'ai senti les champignons et la mousse s'agglomérer à ma base et j'ai senti les vers, les taupes et les lapins se blottir contre mes racines. J'ai entendu les chants d'amour des oiseaux et j'ai assisté à l'envol des premiers-nés. Et du point de vue d'un arbre, cette vie était vraiment l'une des meilleures qui soient.

       Mais j'ai étendu ma conscience à mes plus hautes branches et j'ai senti les écureuils me traverser à contre courant du zéphyr matinal, j'ai forcé pour que mes premiers bourgeons éclosent au premier jour du printemps et j'ai fait tomber mes feuilles une par une une fois l'automne arrivé. J'ai porté du fruit en été et je me suis retrouvé nu à l'arrivée de la morte saison. Mais tout ce temps passé dans le corps d'un arbre, tout ce temps où la sève a battu dans mes veines, j'étais entouré par mes semblables et la seule crainte qui me hantait était que l'on puisse venir me couper. Me couper de la terre nourricière où j'étais planté. Me couper des rayons du soleil qui me donnaient la vie. Me couper de l'existence. J'étais parfait. J'avais atteint un niveau de pensée supérieur au niveau humain et j'aurais voulu ne jamais cesser d'être un arbre.

      Et puis, j'ai éternué. Le charme s'est rompu et j'ai repris la direction de mon chantier. L'autoroute doit traverser ce petit coin de paradis. Pour cela, je devrais chasser les oiseaux. Déplacer les pierres. Couper des arbres.

      Je n'aurais pas aimé être un arbre. Il y a toujours un homme pour venir vous abattre. Et on a beau se consoler comme on peut, un arbre n'est pas une pierre. Une fois qu'on en a fait des planches, des allumettes et du papier, un arbre n'est plus un arbre.

      Je n'aurais pas aimé être un arbre.
Mais j'aime encore moins être humain.
Un petit texte sur... euh... Bah, essentiellement les arbres vu qu'il est destiné à être dans le groupe :iconlethemedulundi: et que le thème de cette semaine, c'est "Les Arbres" ^^

J'espère que vous aurez autant de plaisir à lire ce texte que j'en ai eu à l'écrire.
© 2011 - 2024 Zarguizmo
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Lucille-Neflier's avatar
Un texte magnifique. J'aime beaucoup les différentes manières de voir les choses qui sont montrées. Une belle sensibilité et un message écologique fort. Bravo.